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 JE SOUFFRE DONC JE VIS

« Le chemin étant aussi important que le but », avais-je écrit sur mon dossard, la veille du départ, à l’attention de François venu du Nord, pour qui l’an passé j’avais posé, avec les siens, lors d’une séance photo improvisée, au pied du Roc Nantais.
Prémonitoire ces quelques mots ? Réalistes, dirais-je plutôt. Pour tout vous dire, je n’ai jamais pris le départ de notre atypique course en raisonnant victoire. Ni ces précédentes années, encore moins pour cette dixième édition, tant mon année, en termes de compétition et préparation, fut aléatoire.
Pour moi, sur les Templiers, la magie, l’histoire, naissent et se construisent pas après pas, l’alchimie prend au fur et à mesure que l’on s ‘étend sur ce long rebond naturel, presque irréel.
Manque d’ambition, de motivation me diriez-vous, voire complexe d’infériorité Je vous rétorquerais qu’ainsi, je ne risque pas d’être déçu! Ma vision, approche et conception du trail, est certes bien éloignée du modèle type du compétiteur qui ne laisse rien au hasard à l’image de notre société placée sous le règne de la performance, rentabilité bien loin de toutes considérations humaines. Si nous sommes chaque année plus nombreux sur le festival de l’Endurance, c’est qu’il se dégage de Nant une saine accoutumance, une idéale fragrance de convivialité, une façon de courir et de vivre différemment l’espace d’un week-end. Pour résumer le fond de ma pensée, je dirais que l’on ne gagne pas la grande course des Templiers, mais que c’est elle qui vous fait l’honneur de sa ferveur.

Préparation aléatoire donc, puisque depuis mars elle est faite pour l’essentiel de rando-course en montagne entre Pyrénées, Pays-Basque, Auvergne et Corse où, avec Sandrine ma compagne, nous avons accumulé quelques 60 000 m de dénivelé et sommes à présent devenu imbattables dans l’art du bivouac !
C’est une fois de plus au dernier moment que je me suis décidé à m’aligner aux Templiers. Il faut dire qu’à cinq semaines de ceux-ci, après un bon week-end d’entraînement chez Gégé en Pays Basque, sur les traces victorieuses de mon pote Michel, je n’ai pas pu ni eu envie de faire le moindre footing, pris que j’étais par un incessant « mal de mer » et vertige dès que j’étais en mouvement. Ce n’est, paradoxalement, qu’à quelques heures d’embarquer, cap sur l’île de beauté, que ceux ci s’évanouirent. Nous avons ainsi profité de trois semaines de vacances rondement menées durant lesquelles nous avons accumulé près de 200 km, 21 000 m positifs et gravi une quinzaine de sommets au-dessus de 2000 m sur lesquels nous dégustions, il va sans dire, saucissons, fromages et vins corses. Bon, il est vrai que nous avons pris quatre jours de farniente entre plages, lèche-vitrines et ciné… histoire de faire du jus pour mieux repartir !

C’est ainsi, conforté par l’accumulation d’efforts et ma bonne récupération que je me suis dis que j’avais, après tout, le foncier pour tenir 70 k entre Causses et Larzac . Les derniers kms de notre sublime randonnée achevés sur ce train effréné à deux doigts de percuter un renard !
Autre signe prémonitoire ! Car c’est une fois rentré que j’appris que celui qui me fit rêver des Templiers serait parmi nous. A l’heure où je tournais la page de mon parcours cycliste, Patrick allait écrire le premier chapitre des Templiers. C’est à quelques minutes du départ que je pus lui serrer la main et l’en remercier… quand les rencontres épistolaires font germer des rêves, comme le témoignage qui me va droit au cœur, de ce coureur qui se reconnaîtra, venu découvrir la grande course après l ‘avoir vécue au travers de l’un de mes récits… Le trail c’est aussi ça, partager courir et vivre autrement.

Alors, lorsque après le second ravitaillement je fus moins saignant, sur la crête du Suquet, je ne me suis pas affolé. Mais lorsque plus loin, je ne pus ni allonger ni relancer sur le roulant, les jambes trop durcies, courbaturées, je ne me suis pas affolé non plus. Je savais à présent que le chemin allait être long et douloureux, mais le but étant simplement d’arriver… Pourtant lorsque cette vieille douleur tendineuse sur le côté du genou se réveilla, l’idée qu’il serait plus sage d’abandonner me frôla un moment l’esprit. Mais je me devais d’offrir à François ce dossard, déjà bien fripé, ayant foulé le tapis rouge d’arrivée, peu importe les délais, tout comme vous tous qui couraient avec ce rêve et cet espoir. Aussi pour Sandrine, Odile, Gilles tous les organisateurs, bénévoles et spectateurs sans qui depuis dix éditions, nous ne pourrions nous retrouver. Je devais bien cela à une course qui m’a ouvert à trois reprises si généreusement ses bras. Ne dit-on pas que la course fait la réputation d’un coureur et non le contraire ?

Alors même si j’ai souffert, pour toutes ces raisons et bien d’autres, je me devais de terminer. Cette souffrance, je sais d’où elle vient, je sais l’apprivoiser, je sais qu’elle aura un fin à la différence de bien d’autres à travers le monde. Je suis un privilégié. Alors, si cette année je souffre, cela me permet de mieux apprécier encore mes trois dernières chevauchées. Si je souffre, c’est que je vis !
Je fus davantage satisfait et conforté dans mon idée en assistant à vos arrivées, tout au long de la soirée. Défilé d‘émotions au travers de vos pleurs, de vos cris de joie et de douleurs, d’embrassades, de bras en l’air, vos regards ailleurs, illuminés…

Et si on se donnait rendez-vous dans un an ?

Gil Besseyre Endurance N°49-01/2004


Arrivée victorieuse lors de ma première participation aux Templiers en 2001, pleine d'émotion...
MARATHON DES BURONS
Prêtes moi tes ailes pour voler là-bas

"Gil Besseyre a pris le départ de ce marathon des Burons avec l'intention de disputer la victoire. Mais au 23ème kilomètre, il commettait une erreur de parcours et révisait ses ambitions. Il décidait d'attendre sa compagne de vie, Sandrine Faureau pour l'accompagner jusqu'à Laguiole pour une victoire pleine d'émotion. Récit à deux mains et deux coeurs du couple trail de l'année."

Les motivations de Sandrine pour le trail sont diverses et complémentaires. D'abord routière à ses débuts en 1998, elle prit vite les chemins de traverse; puis les sentiers escarpés et à forts dénivelés.
Logique me direz-vous pour une native de... Royan à l'âme montagnarde. Alors, plutôt que de grimper à Paris pour exercer sa profession de technicienne de laboratoire, elle préféra glisser vers le Sud pour s'installer aux pieds des "montagnes Pyrénées". Un temps sous la houlette de notre entraîneur national René Jourdan ; elle progressa régulièrement, découvrant ce milieu atypique de la course en montagne en participant à de nombreuses manches de coupe de France et championnats de la spécialité entre 2001 et 2004, tout en pratiquant en parallèle et avec assiduité, de longues randonnées vers les sommets.
Tout basculat en octobre 2003, lorsque son chemin vint un peu plus se rapprocher de celui de votre humble conteur. Moi-même happé par cette grande vague du trail après avoir goûté avant cela à la montagne lactique avant de pousser la porte de la montagne "romantique", les Templiers comme chemin de partage et de délivrance.
Alors, quand une randonneuse rencontre un rando-coureur, ça permet de joindre l'utile et l'agréable en évoluant dans le même espace. Ainsi, Sandrine se mit à courir à travers estives, pâturages et maquis au grès des contrées visitées durant de belles heures ponctuées et entrecoupées de pauses photos, casse-croûtes et autres plaisirs, à savoir saisir, offerts par la nature. C'est bien cela le marathon trail.
La première motivation pour s'essayer au trail coule donc de source, dérive naturelle, étalon de ses ressources "puisque je le fais à l'entraînement, pourquoi ne pas voir ce dont je suis capable en compétition ?" Le premier, digne de cette dénomination, fut donc le championnat du Canigou en 2004 (34 km et 4268 m de dénivelé) avec un succès à la clef, tout proche du record de l'épreuve au parcours rallongé !
Mais il en est une autre raison : je pense qu'il arrive un temps, celui de l'âge de la sagesse peut-être, où on se lasse de ces épreuves stéréotypées, le compteur dans le rouge. On a besoin de découvrir un format plus doux et harmonieux, de s'enthousiasmer autrement tout en privilégiant d'autres valeurs, tout en recherchant en soi ce qu'il y a de plus puissant et généreux. A bas les chronos et le temps qui passe inéluctablement, la hiérarchisation de l'Etre par la performance, la perfection, notre société nous la sert déjà à tout va. Oui à la reconquête de l'espace, plein cadre et hors cadre, à la rencontre de notre véritable nature.

"Un autre espoir sur le pas de ton histoire"

Avec les cross pour le club de l'U.A. Tarbes jusqu'au France entrecoupé de ski de rando, fond pour le plaisir de la glisse, l'hiver est bien rempli. Dès que les conditions s'y prêtent, direction le Piémont, dans un cadre pastoral, les week end en rando-courses foncières, fartleck, seuil ou aussi récupération suivant la période. La semaine est basée sur le travail de vitesse, toujours en nature avec VMA (12 à 24x30"-30" ou en pyramide), séances allure semi (6x1'30" à 5x4'), séances en côtes (12x30" à 6x1'), du seuil (3x10' dont 5' seuil+) et bien sûr des footings de récup ou de VTT. Je vous avoue que tout cela ne fait que rarement l'objet d'un plan établi longtemps à l'avance, cela tient plus du feeling, avec une trame en tête suivant l'objectif et des évolutions en fonction de nos sensations et des nuits plus ou moins agitées... de garde de Sandrine. C'est un peu une modulation de tous les instants, mais rien de rigide.
Ainsi, cette année fut celle d'une progressive montée en puissance, avec en point de mire Aubrac 2005 ; d'autant plus engageant à découvrir à l'heure où la nature devient si généreuse par delà les cimes, croupes et capels où les vaches se postent en vigie pour déterminer d'où vient le sens du vent. Le premier trail fut le Phoebus à Gruissan chez Michel Hortala en janvier, Sandrine choisissant la courte distance (16 km) qu'elle enleva. Le mois suivant, retour sur la route avec les 10 km de Port Leucate avant de repartir trail faisant à Thiers pour la Croque Chemin (27 km et 1200 m+) avant d'attaquer les pentes du Cantal en mai avec la Pastourelle (30 km et 1200 m+) suivi d'une semaine de "stage vacance rando-trail en Corse" avec 85 km et 10 000 m de dénivelé total pour conclure en juin par le plus long trail de sa jeune carrière avec le Marathon des Burons.

"On ne voit bien qu'avec le cœur"

"Voilà trois mois que l'on
s'organise et le grand jour est arrivé, tu me pousses vers cette ligne d'un nouveau départ. De nombreuses pensées traversent mon esprit au moment où sonne Era. La première sera pour mon père qui m'aidera, à l'aide de clins d'œil, tout au long de la course. La deuxième sera pour toi, mon compagnon qui m'a conduite jusque là. Après un dernier baiser, c'est rendez vous avec soi même, toujours sur le même sentier mais, cette fois, toi devant moi sur tes pas invisibles mais si présents, petits cailloux, fil d'Ariane, guide moral pour relever cet initial grand défi nature.
La caravane s'ébranle, ça c'est un départ comme j'aime ! Longue chenille déambulante aux pattes multicolores, serpentant sur l'estive bucolique d'une terre d'Aubrac enivrante. Par contre, j'apprécie moins cette sensation de jambes en coton, mais n'y pensons pas, il y a 44 km à parcourir... la route est belle et puis on a peur que de soi même, "Allez", comme le dit Gil, "donne-toi de petits buts, progresse par étapes, profils et points de repère en tête. Pense à boire, à manger souvent et dès le début car trop tard, il sera... trop tard !" La topette rouge pour ne pas m'y mettre, la jaune pour les neurones et les déchets ici dans ma pochette, tout fraîchement cousue par Gisèle.
Je fais ma course à ma façon, pas de précipitation, ni de pression, la course est longue. Pour arriver, peu importe la place, arriver au bout... Les kilomètres s'égrainent, je rejoins un groupe, on parle, ça fait du bien d'être entourée, ça change les idées. Un coureur me demande si je suis l'amie de Gil et je pense à toi, espérant que tu sois parmi la tête. Tu dois en baver plus que moi.
Le ravito, la mi-course et le plus dur devant nous qui se découpe dans le bleu d'un ciel immaculé. On en bave tous. On, toi, moi... nous, courage ! Sur certains passages lorsque la pierre brûlante, arrondie par des siècles de passages sur cette trace de St Jacques de Compostelle, je me revois en baver à te suivre à distance à l'entraînement, à m'accrocher. Tu me disais : "Tu verras, ça t'aidera par moments à trouver la course plus facile... !" Et puis stupeur à Belvezet ! Un coureur habillé de bleu, c'est toi, mon double retrou-vé. Que lui est-il encore arrivé ?

"Même si ton objectif est de l'emporter, n'en oublie pas pour autant le sentier, car quoiqu'il en soit, c'est ce dernier qui te conduira à ton but" ai-je lancé à mon ami Michel peu avant d'apercevoir l'ardoise et le granit d'Aubrac. Phrase prémonitoire à nous tous ? Ou, comme le fait si bien exprimer St Exupery par la voix de son petit Prince : "Les yeux sont aveugles, il faut chercher avec le cœur". Alors, arrivé à Belvezet ma décision était déjà entérinée. J'ai fait le choix du cœur plutôt que celui de galopeur du temps... et allez savoir si, dans les méandres de mon subconscient, mon véritable objectif n'était-il pas d'accompagner Sandrine sur les sentiers d'un premier succès ?
Vous comprendrez donc sans peine que, lorsque l'on a conduit sa moitié dans cette barque, on en oublie vite ses propres ambitions. D'autant plus facilement lorsque le destin, une fois de plus, s'invite au détour d'un chemin, vous offrant un nouveau scénario à écrire crescendo sur cette pente chauffée comme un volcan dans l'attente de cracher son venin.
Ainsi, pour cette seconde moitié de course, je décide d'interrompre cette fuite en avant, suite à une erreur de parcours. Une maigre trace dans un champ et nous sommes en cavale comme trois fuyards dans les hautes herbes avant de remonter sur le vrai sentier. Le sort a jeté ses dés. Seul Michel Trémouille aura le cran de revenir et remonter son retard pour se livrer à la course au podium. Moi, je décide de mettre le frein, d'attendre Sandrine et de partager pour quelques heures sa fin de course. "Pour se prendre par la main le cœur au printemps" et franchir d'un même pas la porte de lauriers, car "ensemble on s'aide à espérer, la vie est belle à partager, quand on apprend à y donner".

Voilà donc la recette d'un moment de vie, faite de passions communes, pour cette divine traversée entre Nasbinal et Laguiole aux côtés de mille autres coureurs, pour arriver, place du taureau, symbole, Sandrine, de ton signe astrologique.

Gil
Texte publié dans VO2 Marathon numéro de septembre 2005


Sur les pelouses verdoyantes de l'Aubrac parsemées de gentianes
Annapurna Mandala Trail,
Sur les chemins du ciel