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Mercredi 16 novembre
Pas dormis de la nuit. A nouveau des problèmes au ventre, alors qu'hier, Charlie a fait un mal aigu des montagnes, tout comme Eric "la scoumoune".La voie de la sagesse nous invite à former, avec Christine et Sylvie,le groupetto pour rejoindre directement Manang (3.550 m) sans passer par le Tilicho Lake (5.000 m). C'est plus prudent.
Ici, on retrouve un village bien moins à l'écart, puisque nous sommes à nouveau sur le tour touristique des Annapurnas.Pour dire, il y a même la poste et son préposé au blouson de cuir, installé dans une sorte de grenier, sur sa chaise et sa table d'écolier.Pour les trouver rien de plus simple, il suffit de dénicher, dans l'une de ces étroites ruelles aux sol de glace, la boite à lettre, certes pas des plus voyantes ni très moderne ! et il y a aussi deux cinémas ! devinez un peu quel est l'un des films à l'affiche..." Sept ans au Tibet "...!!! si, si c'est la vérité.

"Hatons nous lentement"

Jeudi 17 novembre
A minuit, encore mal au ventre. A croire que Gil a avalé des ballons. Grosse interrogation, comment arriver à Darapani (1950 m) lors de cette très longue et avant dernière étape de 55 km dans cet état là ? Voilà quelques jours, il avait trouvé sympa de monter sur l'un de ces petits chevaux népalais après avoir fait ses premiers pas équestres en Corse, sur le dos de Faouna, la jument de Jean.A peine formulé, Voilà donc son souhait exaucé.Tanka, le directeur de course, lui trouve une monture accompagné de son guide d'une quinzaine d'années.Il me semble que cette scène ne m'est pas complètement inconnue...une bande déssinée...ah oui ça y est, Tintin au Tibet ! Mais où est passé le Capitaine Haddock ?

"Ne pas rester sur les rives de la souffrance"

C'est étrange, mais Gil ne semble pas plus affecté que cela de ne plus pouvoir rivaliser d'ambition avec les premiers.Il prend les choses comme elles viennent, avec sérénité. Comme l'a dit Bruno : "Suite à ses problèmes intestinaux, il s'est déconnecté de l'esprit de compétition". Mais a-t-il été à un moment vraiment empreint de cet esprit là ? ne serait-il pas plutôt, au grand désarroi d'un égo narcissique, venu sur ces terres baignées de spiritualité, en oubliant de mettre dans ses bagages déja bien pesants, toutes illusoires prétentions, soif de victoires et saisie dualistes ? sans obsessions ni angoises de résultats. Il le dit d'ailleur très bien lui-même lui-même : "Je ne prends pas la route avec le fantasme de la victoire, mais avant tout pour le bonheur.En étant au départ, je sais que c'est déjà un bel espoir".Ainsi, pas de frustration.
Et si, en l'absence de but, nous découvrions que nous ne manquons de rien ? en paix à chaques instants sur nos chemins.N'avons nous pas, à portée de main, à condition de ne serrer le poing, tout ce dont nous avons besoin pour faire de ce moment présent le plus heureux de notre vie ? même si ici nous avons souffert du froid, des chutes, du M.A.M., de diverses douleures ou autres afflictions, nul besoin d'attendre de plus être tourmenté pour être heureux.La souffrance fait aussi partie de la vie, peut-être nous montre t-elle également le chemin.
Alors,sur notre petit cheval blanc, à la clochette qui tinte, nous allons plein Est, baignés par la lumière du soleil. Laissant à droite, chortens, manis et moulins à prières.Parallèles à la rivière, nos esprits se mêlent à la course de l'eau, unis à son murmure. Nous croisons des scènes de vie d'un autre temps, chez nous révolu : deux cavaliers au galop suivit d'un poulain, des enfants qui joignent leurs mains devant leur visage pour nous saluer d'un "namasté", ici et là, dans la forêt de conifères, des poutres taillées à la main attendant leur destin, des terrassiers qui à la masse, à la pelle au burin et à la barre à mines taille la piste d'un autre futur ; des porteurs et des porteuses de tous âges aux charges de plomb; des tailleurs de pierre; des for­gerons, des menuisiers, des maçons aux outils d'une autre vie...
Après 10 heures de cheval, nous voilà arrivé à Darapany, l'esprit léger et empli d'images sous un ciel extérieur tout azur éveillant notre ciel intérieur plus nature.

Vendredi 18 novembre
Un repas et une nuit qui se sont bien passés. Gil a retrouvé les ailes sur le Chemin du Bonheur.Si vous l'aviez vu à nouveau cavaler seul en tête avec autant de joie dans l'effort, et moi une fois encore bien secoué ! aussi cette confrontation épique et cocasse avec une mule, lui barrant le passage dans un goulet, l'obligeant à employer la manière forte à la façon d'un pilier, non pas de comptoir mais plutôt de rugby, afin de ne pas se faire coincer contre les rochers ! si heureux et généreux qu'après 3h30 seul devant ça l'a un peu laché ! mais il finira malgré ça à une bonne quatrième place à rallier Besi Sahar (820 m).comme tous ces camarades, termes du périple.
Voilà, la bou­cle est (presque) bouclée... Pour conclure, je vous dis Namasté sur ces paroles de Jean-François Bernardini : " Ne pas avoir, n'implique heureusement pas, ne pas être; ne pas être ensemble, ne pas avoir à partager, à aimer. Elle est peut-être là, la plus belle des fraternités. Offrir ce que l'on est " .

EPILOGUE

Sur le plan purement sportif, je pourrais émettre quelques regrets au vu des trois premiers jours où je démontrais, tout en courant en dedans, que j'avais le potentiel pour faire un podium et que, surtout, je réagissait bien à la haute altitude, ce qui d'ailleurs m'encourage dans l'avenir à rechercher des épreuves flirtants avec les cimes.
Mais sur ce genre d'épreuve, il faut arriver en forme, le rester et surtout ne pas ne pas tomber malade, ça de pardonnne pas.Néanmoins, comme je prends le chemin sans ce fantasme obsessionnel de victoire, mais avant tout avec le bonheur d'être présent, en sachant que c'est déja un beau cadeau de la vie et une promesse d'espoir, je ne suis jamais déçu...

Quelques chiffres : 325 Kms - 46h50 - 13525m+ - 12250m- plus haute altitude 5416m

Sur le plan humain et personnel, une conviction, arrêtons de nous plaindre de notre condition et de nous interroger sur le sens, le but de notre vie qui semble plus souvent nous vivre mais vivons plutôt notre vie et soyons nous même, même si nous sommes incertains de nos certitudes, veillons à garder nos convictions sans tricher avec elles...
- Ma capacité à relativiser, prendre les choses positivement, me faire une raison malgré la douleur, après tout elle fait partie de la vie... à dompter et oublier mon égo...à apprécier ce que nous offre à tous moments la nature, vivre davantage dans l'instant présent, lui seul nous appartient.
-Ma faculté d'adaptation à vivre en et faire vivre le groupe.
-Les graines de la compassion qui naissent en moi face à la souffrance et aux conditions des plus démunis.
-Reconnaître et apprécier davantage la chance que j'ai de vivre, vivre dans des conditions décentes, aimer et être aimé...

Pour conclure, je dirais que, tout comme le Bouddhisme est pour moi plus une phylosophie de vie qu'une religion, l'Annapurna Mandal Trail est tout autant sinon davantage un voyage initiatique enrichissant à dimension spirituelle qu'une compétition acharnée.
Mais, pour que cette épreuve garde, préserve et renforce cet esprit là, c'est à chacun d'ammener dans ses bagages sa contribution et de laisser au pied de l'avion toutes diversions occidentales.
C'est également une traversé qui inspire à la réflexion sur soi-même, notre société et son devenir.
Passerelle fragile, frêle pont de fils suspendu au dessus des gorges de l'ignorance et de l'incompréhension, petit filin d'espoir, trait d'union dérisoire mais non illusoire reliant les cultures, les peuples et civilisations pour plus de partage, de rencontre, de respect et tolérance mutuelle avec, comme témoins naturels, les sommets immaculés aux neiges éternelles.


"Au départ,
il y a les images dont tu rêves
A l'arrivée,
il y a les souvenirs
Entre les deux,
il y a le chemin."

Toinou et Gil Besseyre - ( texte en partie paru en décembre 2005 dans le N° 55 de Endurance Magazine )


Annapurna Mandala Trail,
Sur les chemins du ciel