LE CARNET DE ROUTE DE GIL BESSEYRE "Lauréat de l'Endurance Trail Trophy en 2003, Gil Besseyre n'avait pas pu participer à la Mandala 2004 pour des raisons de santé. L'athlète étant un homme à part dans le paysage du trail français, les organisateurs de l'AMT l'ont exceptionnellement invité à l'édition 2005. Dans un carnet de route, Gil Besseyre a consigné ses aventures au Népal. Au travers du regard de Toinou, un mouton corse de 20 cm pour 200 grammes et pour les beaux yeux de Sandrine, Gil Besseyre nous offre de larges extraits de son carnet de route. Direction les Chemins du Ciel..."
Bonjour,
je m'appelle Toinou. Je suis, depuis le mois d'octobre 2003, la mascotte de SandGil. Ainsi, au moment où leurs chemins de vie tendaient vers une nouvelle voie alors qu'en leurs coeurs s'inscrivait une voix nouvelle, moi, petit mouton de fils et de coton, je m'animais, au rythme de leurs passions, d'un souffle de vie, devenant le témoin privilégié de leurs chevauchées épiques.Car, de tous leurs périples je suis de la partie.Je vous assure que ce n'est pas triste, bien qu'il m'arrive parfois de fliper.Ces deux là ensemble, c'est quelque chose !
Mais, cette fois-ci le couple infernal va devoir, physiquement, se séparer pour quelques temps.Obligations professionnelles faisant, Sandrine devra rester sur notre continent pendant que Gil s'envolera, durant dix sept jours, vers celui des hauts sommets.Bien entendu, je serai le trait d'union de la leur.De plus, je me suis vu attribuer de la délicate, mais néanmoins gratifiante mission d'être votre humble conteur (pas de moutons ! ) pour cette nouvelle aventure sur les Chemins du Ciel, immergé au cœur de la véritable nature... de l'esprit.
Alors à présent, voiçi mon réçit...
"Un départ est toujours promesse d'aventure"
Vendredi 4 novembre
Lourenties(465m), Pyrénées Atlantique, 4h30, Gil ne dort plus, ça cogite dans la tête.Non pas le stress de la toute proche compétion, mais plutôt celui suscité par le retard des livraisons du matos indispensable pour pouvoir boucler le sac.
9h30, En partant pour l'aéroport, arrêt à la poste, bingo, les produits Maxime et Jalon Sport sont arrivés !
10h45, derniers baisers, les voilà séparés, il est l'heure de s'envoler pour Paris.
18h00, aérogare Charles de Gaules, comme des abeilles forment l'essaim, la bande se constitue.
22h15, on s'envoie en l'air pour 11 heures de vol. Destination Kathmandu (1.450 m), via Doha au Qatar.Cinq heures, seulement, séparent ces deux capitales. Mais même vu de la route d'un oiseau, le contraste est saisissant. Tient du coup, on a devancé le soleil de cinq heures. Sur la gauche on semble de l'aile caresser, la chaîne himalayenne et ses sommets aux neiges éternelles. Bientôt, c'est nous qui, à leurs pieds, semblerons bien petits et encore moins éternels.
Aéroport deKathmandu (1.450 m), attente des bagages qui ne semble vouloir se manifester sur ce tapis mécanique, qui finalement déglutie son chargement.Alors passent et repassent des sacs, valises, malles et mallettes dans une dance perpétuelle, ronde incessante à l'image de celle des vies, le Samsara.Où est le mien ? lequel choisir ? peut-on choisir ? est-on choisie ? enfin, le voici, c'est celui-ci, orange fluo !
Samedi 5 novembre
17h00, arrivée au Manaslu Hotel à deux pas de Tamel, après un passage dans les rues de Kathmandu et une prise de contact avec l'ambiance locale, irréelle anarchie organisée faite de population, de klaxons, pollution, circulation de véhicules en tous genres et tous sens, d'une autre révolution...
Dimanche 6 novembre
8h 30, Gil se fait remarquer au petit déjeuner en faisant la curiosité des serveurs par l'intermédiaire de deux kiwis qui ont fait le voyage depuis la Nouvelle Zéllande via Pau...!
10 h00, Contrôle médical et des sacs. C'est le dilemme entre poids et confort pour les douze jours à venir en autonomie vestimentaire.Verdict : 10 bons kilos sur le dos, sans compter l'eau! On se fait une raison en se disant qu'à mesure où les corps vont s'élever, les âmes aussi..
Lundi 7 novembre
8h00, départ pour Pokhara (800 m) par la Budha Air. Après un survol à basse altitude au-dessus de paysages bien attirants et de canyons impressionnants, la suite du trajet se fait en bus jusqu'à Naya Pul (1.070 m).Mon compagnon et ses potes distribuent, à la volée, des ballons aux enfants.Au premier arrêt également, leurs visages sont enjoués, l'un le lance vers le ciel tandis que l'autre, malicieux, l'expose par terre dans un éclat de rires et remet même ça !
13h00, terminus, nous prenons les sentiers pour une marche de liaison et d'acclimatation de trois jours qui nous mènera de la verte et dense forêt tropicale au sanctuaire de roc, neige et de glace de l'Annapurna Base Camp à 4.130 m. J'ai pris place à l'arrière du sac de Gil, bien arrimé, au-dessus du dossard.Je verrais de la sorte, un peu secoué, défiler les paysages, sans apercevoir ce qui nous attends droit devant.
Premier village, c'est l'émeute.De tous les côtés déferlent des gamins à la distribution des ballons.Gil est obligé d'en lancer une poigné loin dans les airs afin de s'extirper et filer.Plus loin, les voilà qu'ils donnent des crayons.Je dis "ils" car Gil à rencontré un compagnon de route, Charles, ancien dévoreur de bière qui a de beaux restes et qui avale, à présent, les grands espaces.En résumé, un type nature...Je comprends mieux aussi pourquoi les coureurs et porteurs Népalais sont si réputés pour leur bon pied, après avoir vu cette fillette qui elle vient à peine de découvrir la posture verticale et déja s'attaque, seule sur le sentier devant sa maisonnette, à ces innombrables marches de pierres taillées dans une technique déja bien assurée.
Quatre heures plus tard, c'est l'arrivée à Ghandrung (1.940 m). Premier lodge, premier dal bhat.Le soir, séance de couture collective afin de fixer les logos et de mon bandeau Corsica. Corinne en profite pour prendre des cours.
Mardi 8 novembre
Lever à 5h 45, il fait 9° dans la chambre, 7h00 départ pour Doban (2.510 m). Aujourd'hui, séance photos et vidéo avec Bruno, l'inspirateur de cette belle aventure, et Gilles, le coordinateur que nous avons rejoinds en cours de chemin.Nous venons d'atteindre la partie de l'itinéraire que nous allons, dans deux jours, emprunter en sens inverse.C'est pas du gateau, ça va être chaud !Tiens, dans les arbres, de drôles d'animaux, non pas des oiseaux, des singes.
Plus nous montons, plus s'épure, se déplie et s'étire l'horizon. Le vert fait bientôt place au blanc du massif du Machhapuchhre (6.993 m), sommet sacré et inviolé, tout proche du légendaire Annapurna (8.091 m), cher à Maurice Herzog et Louis Lachenal, le tout sur fond azur. Quel tableau ! avec, d'un côté, le ciel, notre nature absolue, sans entrave, ni limite et de l'autre, la terre, notre réalité quotidienne, notre condition ordinaire.Entre les deux, comme un trait d'union reliant l'absolu et le relatif, des êtres humains.
"L'instant présent est un cadeau"
Mercredi 9 novembre
6h00, voilà une bonne nuit avec 9 heures de sommeil. Nous partons pour six heures de marche afin d'atteindre le Machhapuchhre Base Camp (3700 m). En cours de route, Gil dépasse son point altimétrique jamais atteint, plus haut que l'Aneto (3.404 m), sommet pyrénéen... Mais nous sommes encore loin,aujoud'hui, dans cette vie, des sommets qui nous épient, magistrales cathédrales immaculées.
Dans tous les villages que nous traversons, pour peu qu'ils m'apercoivent, je deviens la coqueluche des jeunes pousses aux visages patinés et émerveillés.Ca fait bizard d'être la vedette du moment, j'avoue que ce n'est pas déplaisant, c'est mon égo qui va être contant !
Tient, lors de la pause déjeuner à Chamrong, alors que Gil offrait ses derniers crayons à une petite princesse, j'ai eu du mal à contenir mon émotion, lorsqu'on retour, d'un geste spontané comme seul savent en offrir les enfants, elle partagea de ses deux menottes un morceau de son gâteau et le lui tendit, tout sourir.Toute la générosité et l'nnocence d'un coeur angélique inscrit en un mouvement.
Par contre, au moment de repartir, j'ai sentis monter une certaine angoisse lorsque tous ces enfants aux cheveux d'encre s'agglutinaient autour de moi en me touchant, me caressant.Tous voulaient immédiatement m'adopter ! dur, dur d'être une star !! heureusement, mon maître avait la parade toute cuite et diplomatique : "This is my french divinity for going around Annapurnas !"
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